Dans la Presse...

Reproduction d'un article de LA GRANDE RELÈVE (N°1123-août/septembre 2011)

SOUVERAINETÉS MONÉTAIRES

par Jean JÉGU


La finance omniprésente est plus que jamais source de problèmes. Le drainage des capitaux vers la spéculation handicape l'économie réelle. Mais la finance trébucherait vite sur un manque de liquidités, c'est-à-dire de moyens de paiements, si l'émission de la monnaie n'avait été conquise par les organismes spéculateurs que sont devenues les banques. La reconquète de la monnaie est le préalable indispensable à la mise au pas de la finance. l'histoire de la monnaie est rarement enseignée; elle est pourtant riche de leçons. De la pratique ancienne du simple troc intermédié (la monnaie est un objet ou un animal utile, facilement échangeable), en passant par les monnaies métalliques, pour arriver jusqu'à nos cartes de crédit, la monnaie a toujours eu une composante sociale essentielle. Maintenant que même le fétichisme de l'or a preque disparu, la monnaie n'est plus que nature sociale, contractuelle devrait-on dire. On ne peut penser une devise sans référence au territoire qui est le sien. Du coup, deux grands chapitres s'imposent: la monnaie dans son territoire et la monnaies de l'extérieur, c'est-à-dire à l'international. Le rôle premier de la monnaie est d'être le moyen de paiement des échanges courants; c'est donc la monnaie de l'intérieur qu'il convient d'abord d'interroger. Ensuite, et ensuite seulement, nous pourrons en tirer des conclusions pour les échanges internationaux.


1. La monnaie de l'intérieur

Une transaction commerciale consiste dans l'échange d'un bien ou d'un service contre une certaine quantité de monnaie. Cette monnaie appartient à l'une des parties échangeantes. Si tous les agentd économiques disposaient de monnaie en quantité suffisante, il ne resterait qu'à organiser la production et la distribution. Mais tous les agents n'ont pas la monnaie suffisante; beaucoup doivent s'endetter. Il faut comprendre que la monnaie intervenant dans un échange peut avoir été préalablement empruntée par celui qui l'utilise. Et celui qui utilise de la monnaie lui appartenent en propre peut très bien l'avoir gagnée auprès de quelqu'un qui l'a d'abord lui-même empruntée. Et ainsi de suite. Compte tenu des mécanismes actuels de production de la monnaie, la réalité incontournable d'aujourd'hui est que presque (ce presque revêt néanmoins une importance remarquable, on le verra plus loin) toute la monnaie qui circule est, à son origine, née d'un emprunt. Voilà pourquoi chercher la solution aux problèmes des endettés en leur prêtant davantage encore est une chimère.

Rappelons deux vérités à ne pas perdre de vue.

On objectera qu'un prêt étant la mise à disposition d'autrui, moyennant intérêt, d'une somme qui m'appartient, la monnaie ne peut pas naître d'un emprunt; elle lui préexiste. Il est exact que ce type de prêt est très courant. On le qualifie souvent de prêt mutuel. Mais tous les prêts ne sont pas des prêts mutuels. En outre, on peut aussi s'interroger sur l'origine de la monnaie prêtée dans un prêt mutuel. La monnaie actuelle n'existe pas depuis la nuit des temps et sa quantité totale ne cesse d'augmenter. Il existe donc quelque part un mécanisme créateur de monnaie. Ce mécanisme c'est le crédit bancaire. Tous les traités d'économie le disent. Une banque, après signature de votre emprunt, inscrit sur votre compte courant la somme convenue. Elle ne prend cette somme nulle part ailleurs. C'est son écriture comptable qui la crée.

Bien des professionnels de la banque n'en conviennent pas. Il y a à cela deux bonnes explications, en plus de celle qui consiste à admettre qu'on peut être banquier sans être spécialisé en théorie monétaire. Un pilote de rallye n'est pas toujours un féru de mécanique automobile.

La première raison est le fait que les banques ne reprêtent pas directement l'épargne qu'elles collectent. Elles gèrent, certes, les crédits qu'elles accordent en proportion de l'argent collecté, mais il y a généralement beaucoup plus de crédits que d'épargne. Les crédits bancaires sont donc pour partie mais de manière indifférenciable des prêts mutuels et pour partie des prêts créateurs de monnaie. Dans le cas contraire, quand le flux des crédits bancaires vaut moins que celui de l'épargne collectée, les banques deviennent destructrices de monnaie.

La deuxième raison est plus fondamentale. Les banques affirment que la monnaie n'est émise que par la Banque Centrale et pas du tout par les banques dites secondaires. Ici on pourrait leur donner raison mais à condition de s'entendre sur le sens des mots. Derrière leur mot monnaie et celui du commun des mortels, il n'y a pas le même segnent d'une même réalité. Tentons de l'expliquer simplement.

Chaque devise relève normalement d'une Banque Centrale (BC). Dans chaque zone monétaire on trouve une banque dite Banque Centrale car elle tient les comptes courants de toutes les autres banques (dites secondaires) ainsi que celui du ou des Trésors Publics de la zone. Une BC gère les comptes de ses clients exactement comme votre banque gère le votre. En particulier les banques peuvent y retirer ou déposer des billets de banque moyennant inscription du mouvement sur leurs comptes. Le total du compte d'une banque et des billets qu'elle a retirés constitue l'avoir monétaire de cette banque. Les billets retirés le sont pour être mis à disposition des divers clients de la banque, sur leur demande; le compte de la BC sert aux règlements avec les autres banques. À ce stade on voit circuler, entre banques et Trésors Publics, de la monnaie dite centrale ou encore de base. En ce sens, les banquiers ont raison: seule la BC émet la monnaie de base, mais celle-ci n'est accessible à l'économie que par les billets, alors que la majorité des paiements se fait par des écritures entre comptes bancaires.

Voilà bien le problème.

Le cœur du problème c'est que les banquiers ne veulent connaître que la monnaie centrale. Un écrit dans le compte d'un client n'est, pour eux, qu'un engagement à lui fournir des billets s'il en demande, ou plus généralement une promesse de monnaie centrale. Ils ont tout à fait raison. Mais là où le système devient problématique, c'est que ces promesses peuvent donner lieu à des abus. La banque promet beaucoup plus (de l'ordre de cinq fois plus et parfois même d'avantage) que ce qu'elle a en caisse. Et toutes les banques font de même car elles y sont autorisées par la loi. Cela revient à dire et à constater qu'elles mettent à disposition, qu'elles prêtent le même argent à plusieurs personnes différentes sans que celles-ci en aient conscience. Comment parviennent-elles à faire face à une telle situation? Cela reste leur affaire, pas celle des clients. On pourrait en conclure que cela arrange tout le monde, ce qui est le cas quand tout va bien: les banques fonctionnent et accordent des crédits à l'économie qui en a besoin. Les crédits bancaires se déversent sur les comptes bancaires et les échanges se font en grande partie par des mouvements écrits entre comptes bancaires. Ceci donne naissance aux moyens de paiement largement en usage dans l'économie et que nous nommons monnaie bancaire. Ce sont bien les banques qui créent la monnaie bancaire. Un banquier qui soutiendrait le contraire se tromperait lourdement ou serait de mauvaise foi.

En pratique le total de la monnaie bancaire atteint donc plus de cinq fois le total de la monnaie centrale.

Pourquoi ce rapport appelé multiplicateur de crédit?

Il n'a pas toujours eu sa valeur actuelle. Il évolue en fonction des habitudes de la clientèle et des moyens mis à sa disposition (chèques, virements, cartes). Pour une quantité de monnaie de base donnée, les banques ont avantage à placer le maximum possible de crédits, c'est-à-dire à la prêter le plus de fois possible. Cela leur ramènera le maximum d'intérêts. La valeur du multiplicateur de crédit n'est limitée que par des règlements imposés aux banques pour leur éviter de prendre trop de risque, celui de ne pouvoir honorer leur promesses de monnaie centrale. Ainsi en empruntant 100 à la BC au taux directeur i, une banque peut prêter 500, ou d'avantage, à sa clientèle au taux majoré j. Cela revient soit à prêter 5 fois la même somme, soit à prêter 400 sortis du néant à un taux d'intérêt j. Comme l'affaire porte sur presque toute la masse monétaire bancaire (en France, des centaines de milliards d'euros) les flux d'intérêts vers les banques sont considérables (quelques dizaines de milliards d'euros par an). Voilà ce qui explique en grande partie la profitabilité remarquable des banques un peu partout dans le monde.

Mais le paiement des intérêts aux banques et, plus largement, aux détenteurs de capitaux, est un fardeau pour l'économie et distord la distribution des revenus. Et si une banque vient à faire faillite et que ses avoirs monétaires s'évanouissent, que deviennent les promesses qu'elle a fait à sa clientèle? Naturellement, la clientèle voit dans le même temps disparaître ses avoirs en promesse de monnaie centrale c'est-à-dire sa monnaie bancaire. Si plusieurs banques sont concernées, c'est tout un pan de la monnaie bancaire qui disparaît. Les États ont récemment eu la bonne idée de na pas laisser survenir cette débacle: ils ont apporté de la monnaie de base aux banques. Comment cela peut-il se faire? Exactement de la même façon qu'au niveau de l'attribution des crédits bancaires. Les États acceptent de s'endetter auprès des banques et ces engagements sont traduits en monnaie de base par la BC au profit des banques qui ont pu acquérir de tels engagements. De même que les comptes en banque sont remplis en monnaie bancaire sur la base des contrats d'emprunt signés par les clients, ainsi les comptes des banques sont approvisionnés en monnaie centrale sur la base des emprunts souscrits par les États (rappel: les États ont comme les banques leur compte en BC).

Ce sont donc les contribuables des États qui soutiennent le système financier, les banques étant des intermédiaires obligés, et fortement intéressés entre ces États et les agents économiques, et non pas de simples intermédiaires comme on aurait tort de le penser. En résumé l'essentiel de la monnaie qui circule dans l'économie provient des crédits bancaires; c'est la première vérité à retenir. La monnaie bancaire qui en résulte est au moins cinq fois plus abondante que la monnaie de base possédée par les banques; c'est le système dit, pour cette raison, de réserves fractionnaires. Les banques retirent de ce système des flux d'intérêts nets très importants qui leur confèrent un poids et un pouvoir économique majeurs, bien que la monnaie centrale qui est à la base de tout cela reste toujours garantie de fait par les États, c'est à dire les contribuables. C'est la seconde vérité à souligner.

Pour que les États retrouvent du pouvoir monétaire, d'aucuns préconisent qu'ils empruntent directement à leur BC et non pas aux banques. Aux États-Unis, c'est déjà le cas, mais leur BC, la FED, est propriété d'actionnaires privés. En eurozone, la BCE appartient aux États mais les traités européens leur interdisent de lui emprunter directement. Il faudrait donc impérativement réviser ces traités.

En supposant que cela soit fait, on libérerait ainsi la monnaie centrale de la main mise directe des banques; celles-ci n'en garderaient pas moins la faculté d'engranger des intérêts énormes du fait du multiplicateur de crédit (ou dit autrement par la vertu du système à réserves fractionnaires). Il faudrait donc aussi, et dans le même mouvement, réduire à l'unité ce fameux multiplicateur de crédit: les banques ne seraient autorisées qu'à prêter l'épargne qu'elles auraient au préalable collecté. C'est ce que l'on appelle le système du 100% monnaie.

De ce qui précède, on peut conclure que la monnaie nait toujours, d'une manière ou d'une autre, de l'engagement de quequ'un à la rembourser. Encore faut-il que ce quelqu'un soit identifié et digne de confiance. La monnaie est inséparable de la dette, mais de quelle dette?

Avant de proposer une vision de la monnaie simple, socialement acceptable et crédible, il faut encore expliciter un autre mécanisme bancaire créateur de monnaie. En effet, si la création monétaire est massivement le fait de l'attribution de crédits, elle ne s'y réduit pas (et c'est ici l'explication du presque introduit précédemment). Il s'agit de la monétisation des dettes (processus fondamental dans la création monétaire) auquel correspond symétriquement le mécanisme de démonétisation des recettes. Les banques se libèrent de leur dette simplement en alimentant en monnaie bancaire les comptes de leur créanciers. Elles encaissent leur recettes en monnaie bancaire simplement en effaçant leur montant sur les comptes de leur débiteurs. Ce sont là autant de promesses supplémentaires accordées, ou au contraire de promesses effacées. Dans le système des réserves fractionnaires ce mécanisme est donc tout à fait légitime pour créer (ou détruire) de la monnaie. La seule différence -mais très importante- avec la création par attribution de crédit est que la promesse de monnaie n'est ici grevée d'aucun intérêt ni d'aucune échéance pour celui qui en bénéficie. C'est un formidable renversement des rôles: dans la création monétaire par crédit, l'endetté est le bénéficiaire du crédit, dans la monétisation des dettes, l'endetté est celui qui émet la monnaie car celle-ci est et n'est que la reconnaissance de sa dette. Ainsi, la monnaie est toujours une dette, mais elle peut être celle de l'émetteur si celui-ci l'émet justement à l'occasion de l'apparition d'une dette et en tant que reconnaissance de celle-ci. Cette reconnaissance de dette sera légitimement détruite le jour où son porteur devra à ou recevra de cet émetteur, la même valeur. Il reste à identifier un émetteur digne de confiance. Contre sa monnaie, je finirai sûrement par recevoir des biens ou services réels qui le libéreront de sa dette, ou bien j'accumulerai moi-même une dette équivalente à son égard, ce qui nous libérera l'un et l'autre. Or, de toute évidence, pour émettre des reconnaissance de dettes capables de circuler en tant que monnaie au sein d'une collectivité, qui serait mieux placé que cette collectivité elle-même, en tant que telle? La monnaie la plus logique et cohérente est celle qui est faite de dettes de la collectivité envers, initialement, les premiers bénéficiaires au moment de son émission et, ensuite, envers ceux qui en deviennent porteurs aux cours des échanges monétaires successifs. La monétisation de la dette publique doit être la source de la monnaie publique. Nulle banque n'a légitimité pour générer de la monnaie publique; la monétisation de la dette publique doit aller avec la pratique du 100% monnaie.

Aucune des objections faites à ceci ne tient à l'examen: risque d'inflation, blocage dû au manque de prêts, effondrement de la devise sur les marchés extérieurs.

Comment pourrait-on trouver meilleure position pour réguler la masse monétaire, donc l'inflation, si la collectivité tient d'une main la création monétaire (sélection de ses dépenses) et de l'autre la destruction monétaire (organisation de la fiscalité et des recettes venant des services publics)? Bien sûr, cela suppose un gouvernement réellement au service du bien public, d'où l'absolue nécessité d'une démocratie réelle.

Quant au manque de monnaie par disparition des prêts, il faut se souvenir que les prêts mutuels évoqués précédemment n'auraient aucune raison de ne plus exister. Quand bien même cette situation de manque de liquidités devrait-elle survenir, la collectivité qui doit à ses membres une monnaie efficace et de qualité, serait tout à fait fondée à prendre les engagements nécessaires, c'est à monétiser la dette nécessaire (pour mémoire, l'achat de devises étrangères par une banque crée aussi de la monnaie). Elle l'est d'ailleurs chaque fois que la dette collective à monétiser est démocratiquement acceptée. La monnaie ainsi émise pourrait non seulement couvrir le fonctionnement et les investissements courants mais aussi le champ actuel des subventions, des prêts à taux zéro, ou de tout autre intervention sociale volontaire, par exemple, un revenu d'existence.

Évidemment, toute dette doit finir par être payée, la démonétisation est donc tout aussi nécessaire que la monétisation et elle exige l'existence d'une fiscalité bien ajustée aux équilibres sociaux et/ou la mise en place de services publics payants. Autrefois les dépenses du souverain enrichissaient son peuple; demain les dépenses publiques pourraient enrichir les citoyens!

L'objection d'un effondrement de la monnaie sur les marchés extérieurs est certainement la plus difficile à réfuter. Mais si l'on met de côté la période transitoire initiale de mise en place de cette modification fondamentale, on peut à terme imaginer des solutions coopératives efficaces entre zones monétaires.


L'HUMANITÉ ose parler du mécanisme de création monétaire!


L'HUMANITÉ, jeudi 9 octobre 2008, page 14

DES BANQUES TRÈS PROMETTEUSES


S

i les banques disparaissent, il n'y aura plus d'argent". Au cours de l'émission Ripostes de dimanche, le ministre du Budget, Éric Woerth, a fait preuve d'une clairvoyance dont il n'est pas coutumier. Sa remarque induit deux questions: les banques disposent-elles de l'ensemble de l'argent existant? L'argent n'est-il pas créé par le gouvernement pour assurer ses dépenses? Pour y répondre, il faut se poser la question fondamentale: d'où vient l'argent?

La plupart des gens pensent qu'il provient de la Monnaie de Paris. C'est elle qui est chargée de frapper les pièces. Les billets sont imprimés au niveau européen. C'est cette monnaie que les économistes désignent sous le nom de "monnaie fiduciaire", dont la valeur est garantie par l'État (pour l'euro, les 13 États de l'eurogroupe). Wikipédia nous indique qu'il en existe environ 610 milliards. La somme paraît énorme, mais cela représente tout juste 1,2 fois le montant du plan Paulson (700 milliards de dollars).

 Ces sommes sont créées — le mot est important — par les banques. Elles peuvent créer de l'argent: chaque fois qu'un emprunteur se présente, la banque ne lui prête pas d'argent mais inscrit simplement sur son compte la somme prêtée. Ce simple jeu d'écriture est en fait une promesse faite par la banque à l'emprunteur de lui fournir de l'argent bien réel. Les lois monétaires indiquent que cette promesse doit être considérée comme de l'argent, ce qui permet à l'emprunteur de l'échanger contre des biens quelconques. Si je dois planter un clou mais que je n'ai pas de marteau, je peux demander à un ami de m'en prêter un, mais même s'il me fait la promesse de me le prêter, cela ne m'avancera pas à grand chose. C'est pourtant ce que font les banques.

L'argent "créé" par le gouvernement ne représente que 5% de l'argent total en circulation, les 95% restants sont créés par les banques. Éric Woerth a donc raison: si elles disparaissent, il n'y aura plus d'argent. Simplement parce que les 95% de la masse monétaire créée par les banques sont créés comme dette. Si elle est remboursée, cet argent cesse d'exister.

(Bruno DASTILLUNG, jeune correspondant)


L'HUMANITÉ, samedi 18 octobre 2008, page 20

D'OÙ VIENT L'ARGENT?


B

ravo les communistes! Des millions de Français leur sont reconnaissants pour leur indépendance et leur sens de la justice et de l'équité. Pour un État en faillite, c'est quand même trop gros que ce cambriolage de l'UMP au profit des riches banquiers passe inaperçu. Tout le monde s'interroge: d'où vient l'argent? En réalité, l'État n'a pas cet argent, il se comporte comme une banque. Il s'agit uniquement d'un jeu d'écriture électronique. À la seule différence que l'État est obligé d'emprunter auprès des banques privées... en faillite! Celles-là même que l'État se propose de financer pour 500 milliards de dollars, soit les deux tiers du plan Paulson pour une population d'à peine 65 millions d'habitants, et un 6ème rang mondial. Ainsi l'État va emprunter, en notre nom, à des banquiers en failllite, des sommes pharamineuses avec de gros intéréts (somme qu'ils font inscrire au débit de l'État mais que les banquiers n'ont pas: simple jeu d'écriture, c'est une création d'argent-dette) pour verser ces sommes pharamineuses à ces mêmes banquiers. Ce qui n'est ni plus ni moins qu'un transfert de dette. Les dettes des banquiers millionnaires deviennent les dettes du Trésor public, donc du contribuable! La garantie de l'État, c'est la garantie que les millions de salariés vont payer de leur poche. Ces voleurs de l'UMP alourdissent la dette publique contractée par les financiers et spéculateurs pour ensuite justifier la mise en faillite délibérée de notre Sécurité sociale au profit des assureurs privés (...).

(Léna, Forum humanité.fr)


L'HUMANITÉ, mercredi 5 novembre 2008, page 4

PUISSANCE DE LA MONNAIE


"Q

u'est-ce que le cambriolage d'une banque, comparé à la fondation d'une banque?". Dans l'Opéra de quat' sous de Brecht, au moment où il croit qu'il va être pendu, Mackie, le chef des truands, a cette lucidité que l'on prête souvent à ceux qui vont mourir. "Mac" a tout à fait raison, le pouvoir des banques, c'est plus fort qu'un surin ou une pince-monseigneur, il est même encore plus extraordinaire que le chef des voleurs de Londres et son créateur ne l'imaginaient.

D'où leur vient cette puissance? Du pouvoir qu'elles ont de créer de la monnaie et de faire crédit. La monnaie, c'est de l'argent mais ce n'est pas tout l'argent. On appelle monnaie l'argent qui présente un certain degré de liquidité et qui a pour fonction première de s"échanger contre des marchandises. Pour la désigner, les banquiers lui ont trouvé le doux nom de "M3". Les pièces et les billets, c'est de la monnaie, mais cela ne représente que 6 % du total de la monnaie en circulation dans la zone euro. Les dépots à vue sont aussi considérés comme de la monnaie. Ils pèsent 36 % du total de M3. Il y a enfin une série de dépôts plus ou moins liquides -d'une durée maximale de 2 ans- de titres monétaires (les billets de trésorerie, par exemple, émis par les entreprises).

Les banques, donc, ont ce pouvoir de transformer la liquidité monétaire des uns en prêts à court ou long terme pour les autres. Mais elles ne se contentent pas d'utiliser les dépôts qu'on leur a confiés, en faisant crédit elles créent ex nihilo de la monnaie. Elles mettent à la disposition des gens une capacité d'achat immédiate alors que les richesses qui lui correspondent n'ont pas encore été créées (Denis Durand: un autre crédit est possible, Temps des cerises, 2005). Fin 2007, le total des concours à l'économie française délivrés par les banques s'élevait à 1742 milliards d'euros, c'est presque l'équivalent du PIB français.

Le crédit a bien des vertus, il offre notamment l'opportunité d'aider à multiplier la richesse. Lorsque la banque prête de l'argent à un dirigeant de PME pour développer une activité, elle lui donne les moyens d'embaucher des salariés. Ces derniers ont ainsi la possibilité d'alimenter leur compte bancaire, de faire leur courses et d'augmenter par là même les propres comptes de leurs commerçants... L'effet de richesse est continu.

La monnaie, c'est différent de la finance, qui, elle, traite de titres dotés d'une valeur et qui peuvent donner droit à une rémunération et plus si affinités. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'essor du capitalisme ne s'est pas toujours accompagné d'un gonflement de la finance, celle-ci s'est plutôt développée dans les périodes de crise, comme une sorte de champignon sur le corps de la société. Aujourd'hui, banques et marchés financiers ont partie liée, les premières sont devenues les compagnes inséparables des seconds, mais elles l'ont fait au détriment de leur métier de dépositaire de l'argent des salariés et de vecteur de la croissance économique. Elles ont largement financé les opérations spéculatives qui ont conduit au krach, elles le paient actuellement et tentent de nous le faire payer.

Il faut rompre ce lien, "détoxiquer" les réseaux bancaires depuis la petite agence jusqu'à la BCE et au FMI. Et, pour cela, substituer progressivement à la finance de marché un nouveau crédit, sélectif, favorisant le développement humain, aidant à sécuriser l'emploi, la formation. On n'y échappera pas: si l'on comprend que le dégonflement des marchés est un enjeu éminemment politique, alors il faut agir sur le comportement des banques, parvenir à les responsabiliser. Parce que notre argent nous intéresse et il faut donner le droit à la société toute entière d'en contrôler l'usage et les critères d'attribution.

Pierre IVORRA, économiste


Commentaire: après ces premières constatations, il va falloir aller plus loin...
Il va falloir clairement affirmer que L'ÉTAT NE DOIT PAYER ABSOLUMENT AUCUN INTÉRÊT!
L'état doit reprendre son droit républicain (perdu en 1973) de créer la monnaie,
et UTILISER ce droit (car même avant 1973 il ne l'utilisait déjà plus toujours)!


NEXUS


Dès son numéro 1 en 1999, le magazine NEXUS informait beaucoup mieux!PDF


Extrait d'un article de Philippe DERUDDER dans le NEXUS numéro 61 (mars-avril 2009), page 41:

«L

a dette publique, toujours mise en avant pour justifier le démembrement progressif des services publics et des prestations sociales, n'existerait pas si les États, par le biais d'un organisme public, pouvaient émettre la monnaie nécessaire au bien commun. Nul besoin dans ce cas d'augmenter les impôts, une simple émission de monnaie suffit, nul besoin de s'endetter non plus et de payer de l'intérêt. Ce dernier, dans le système actuel, revient à ponctionner la richesse publique pour la redonner aux plus nantis. De plus, il est facteur d'inflation pour la simple raison qu'il faut toujours s'endetter plus pour être capable de payer l'intérêt, qui lui, n'a pas été créé et mis sur le compte bancaire de l'emprunteur.»


SACRÉE PLANÈTE


Extrait d'un article de Philippe DERUDDER & André-Jacques HOLBECQ dans le SACRÉE PLANÈTE numéro 23 (août-septembre 2007), page 51:

LE DROIT D'ÉMETTRE DE LA MONNAIE


L

e recours à l'emprunt par l'État, qui pouvait se concevoir lorsque la monnaie était représentative d'une certaine quantité de métal (or ou argent) qui à un moment pouvait manquer dans les caisse de l'État, n'a maintenant plus aucune justification depuis que la monnaie est totalement dématériallisée.

Nous préconisons au niveau national:

— soit une reprise du droit de seigneuriage (droit régalien d'émettre la monnaie) éventuellement par émission d'une monnaie complémentaire (voir la proposition sur l'Espace Complémentaire Sociétal).

— soit des mesures spécifiques au niveau de la zone euro:

1. Le gouverneur de la Banque Centrale Européenne doit pouvoir être contraint à une émission monétaire centrale (sans intérêt) par une décision majoritaire de la Commission ou du Conseil européen (c'est à dire les chefs d'État), ou des députés européens des pays de la zone euro.

2. Les critères de Maastricht doivent être revus et spécifiés:

a) que les budgets des États soient équilibrés en "fonctionnement" et "amortissements". Nul État de la zone euro ne peut déroger à cette règle.

b) que les États puissent financer leurs équipements (budgets d'investissements) par un appel à la création monétaire sans intérêt de la BCE.

Pour justifier cette nécessité, le lecteur doit savoir que depuis 1973 la France ne crée plus de monnaie pour combler ses propres déficits, que ce soit en fonctionnement (salaires et retraites des fonctionnaires, loyers, etc.) ou en investissements, pour son développement (écoles, routes, ponts, aéroports, ports, hôpitaux, bibliothèques, etc.) mais emprunte sur les marchés monétaires en émettant des obligations (bons du Trésor) sur lesquels évidemment elle doit payer un intérêt à ceux qui souscrivent. Ce qui a pour conséquence, comme nous l'avons vu plus haut, qu'au fil des années la dette s'alourdit d'un montant sensiblement égal au "déficit", qu'il faut couvrir par l'emprunt, c'est à dire par l'émission d'obligations nouvelles auprès du public et surtout des investisseurs institutionnels (assurances, banques, etc).



Le Frexit en bref